Les appareils de levage sont indispensables sur les chantiers et dans les ateliers du BTP. Grues, chariots élévateurs, ponts roulants, grues mobiles, plates-formes suspendues… Ces équipements permettent de soulever, déplacer et positionner facilement des charges lourdes et volumineuses.
Mais leur utilisation comporte un risque majeur : la retombée de charge, un accident rare mais souvent dramatique.
Dans cet article, nous revenons sur les causes les plus fréquentes de ces accidents, leurs conséquences, les mesures de prévention indispensables ainsi que le cadre réglementaire qui s’applique aux appareils de levage.
1. Un risque souvent sous-estimé mais aux conséquences graves
Chaque année, dans le secteur du BTP, des accidents surviennent lorsqu’une charge se détache d’un appareil de levage, bascule d’un chariot élévateur ou tombe d’un pont roulant. Ces accidents peuvent intervenir :
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sur les chantiers,
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dans les ateliers,
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lors de manutentions,
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pendant des opérations de chargement ou déchargement.
Ils concernent absolument tous les professionnels du BTP : canalisateurs, terrassiers, maçons, échafaudeurs, étancheurs, charpentiers, conducteurs d’engins, grutiers, architectes, conducteurs de travaux…
Si ces accidents restent peu fréquents, ils sont en revanche souvent mortels, car les charges impliquées pèsent plusieurs dizaines, centaines, voire milliers de kilos.
2. Des blessures souvent fatales
Une charge qui chute voit son poids multiplié par sa vitesse d’impact.
Poutres, parpaings, tuyaux, sacs de béton… Autant d’objets qui, en tombant sur un opérateur, peuvent provoquer des blessures irréversibles.
Selon l’ED6178 Mémento de l’élingueur :
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54 % des chutes de charges entraînent une amputation ou une hospitalisation,
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42 % aboutissent à un décès.
La gravité de ces chiffres explique pourquoi la réglementation impose un haut niveau d’exigence en matière de vérification, de formation et de maintenance.
3. Les principales causes de retombée de charge
3.1. Défaut d’élingage : l’erreur humaine en première ligne
L’élingage consiste à attacher une charge à un appareil de levage.
Un mauvais élingage est l’une des principales causes de chute :
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élingue inadaptée ou usée,
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chaîne trop fragile,
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levage en un seul point,
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mauvaise appréciation du centre de gravité,
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angles d’élingage trop ouverts,
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charge mal conditionnée dans son rack,
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élingue fixée sur une dent de godet plutôt que sur l’anneau prévu.
Un opérateur non formé peut commettre des erreurs critiques, d’où l’importance d’avoir au moins une personne formée à l’élingage dans chaque équipe.
3.2. Défaillance de l’appareil ou des accessoires de levage
Une chute peut être causée par une rupture mécanique :
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crochet qui s’ouvre,
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chaîne qui casse,
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sangle déchirée,
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câble acier dont les torons sont usés,
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grue présentant une anomalie.
Ces défaillances proviennent rarement d’un défaut de fabrication, mais presque toujours d’un manque d’entretien, d’un mauvais stockage ou de vérifications insuffisantes.
Le stockage des accessoires est crucial :
chaînes laissées à l’extérieur, sangles abrasées ou exposées à l’humidité, câbles mal enroulés… autant de situations qui accélèrent la dégradation.
-> À noter :
Les appareils « shuntés », dont on neutralise volontairement les sécurités (comme le CEC), constituent une faute grave. En cas de surcharge, l’opérateur n’est plus alerté et l’accident devient quasi certain.
3.3. Déficience de vigilance durant les opérations de levage
Une simple inattention peut provoquer un drame :
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opérateur circulant sous la charge,
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mouvement brusque de la grue,
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choc avec un obstacle,
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mauvaise communication entre les intervenants,
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guidage insuffisant de la charge.
La présence d’un chef de manœuvre, la communication via les gestes de commandement et l’usage des bons outils (guidage à la corde, raccourcisseurs d’élingues, sextant pour angles) sont essentiels.
4. Contrôles et vérifications : un impératif réglementaire
Les appareils de levage doivent être vérifiés régulièrement, selon une fréquence fixée par le Code du travail et les arrêtés du 1er, 2 et 3 mars 2004.
Vérifications obligatoires :
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Tous les 6 mois : engins de levage mobiles (chariots élévateurs, grues mobiles…).
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Tous les 12 mois : appareils fixes (grues à tour…).
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Tous les 3 mois : appareils mus par la force humaine.
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Tous les 12 mois : accessoires de levage (élingues, palonniers, chaînes…).
Les vérifications doivent être réalisées par une personne compétente : fabricant, organisme agréé ou technicien formé.
L’objectif : détecter toute détérioration susceptible d’être dangereuse.
Examen d’adéquation
Avant chaque opération de levage, il faut s’assurer que l’appareil et les accessoires sont adaptés :
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charge maximale d'utilisation (CMU),
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portée,
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géométrie de la manœuvre,
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environnement de chantier.
Cet examen est obligatoire et souvent négligé.
5. Réglementation et jurisprudence
Textes applicables
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Articles R4322-1 et R4322-2 : maintien en état de conformité des équipements de travail.
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Articles R4323-22 et suivants : vérifications des équipements de travail.
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Articles R4323-29 et suivants : vérifications des appareils de levage.
Arrêtés de 2004
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1er mars 2004 : vérification des appareils et accessoires de levage.
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2 mars 2004 : carnet de maintenance obligatoire.
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3 mars 2004 : examens approfondis des grues à tour.
Jurisprudence
Arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 2017 (n°16-85613)
Un délégataire a été tenu pénalement responsable pour une élingue non conforme utilisée lors d’un levage.
Cet arrêt rappelle que la responsabilité d’un supérieur hiérarchique peut être engagée même s’il n’a pas réalisé la manœuvre lui-même.
Conclusion
Les retombées de charges sont des accidents rares mais extrêmement graves.
La prévention repose sur :
✔ un élingage maîtrisé,
✔ des opérateurs formés,
✔ des équipements entretenus et vérifiés,
✔ des accessoires en bon état,
✔ une organisation rigoureuse,
✔ une vigilance constante.
Un levage ne s’improvise pas : c’est une opération à haut risque qui exige compétence, préparation et rigueur.